Traquer les préjugés où ils sont, même et surtout lorsqu’ils se manifestent « au nom de la science ».
Saisir les grands débats qui informent la rumeur publique, même et surtout lorsque celle-ci se déploie « au nom de la science ».
Et nécessairement s’interroger alors sur le rôle et la fonction des sciences dans la société d’aujourd’hui.
Tenter de comprendre également comment les réalités quotidiennes du politique et l’alchimie sociale opèrent au cœur même des sciences – soient-elles « exactes » et « strictes », ou « sciences humaines ».
Mais pourquoi cette inquiétude soudaine et cette exigence de rigueur et de lucidité critique au sein de la communauté scientifique ? Sans doute la femme et l’homme de science ne croient-ils plus à la neutralité de leur métier. Sans doute également le XXe siècle a -t-il été fertile en événements qui ont suffisamment montré combien la responsabilité du scientifique est engagée dans ses découvertes et à quel point l’amnésie sociale du savant peut devenir, entre les mains d’un pouvoir politique autoritaire et d’une industrie, un instrument de mort pour la société des humains. Tout cela étant bien connu, pourquoi donc s’inquiéter ? Parce que l’oubli est tenace. Et fragile la mémoire (...)
Né dans ce contexte d’interrogations inquiétantes, "Le Genre humain" se veut une revue de réflexion critique. Elle veut porter une attention vigilante face à la renaissance d’un racisme « intelligent » et de son cortège d’ersatz. Elle sera un lieu d’analyse de ces formes souvent subtiles de discriminations sociales qui distillent, « au nom de la science », des programmes qui se déguisent en « théories » alors qu’ils ont des visées sociales, politiques, économiques ou militaires. Il s’agira donc de comprendre, pour mieux les dénoncer, les diverses formes de mépris de l’autre qui ne cessent d’invoquer « la science » pour échafauder des « théories de la race et de l’élite ». Et de montrer du même coup comment d’anciennes conceptions renaissent de leurs cendres à la faveur d’une mode qui doit principalement son succès au recours qu’elle fait à « la science » dont elle voudrait s’autoriser.(...) Il s’agira ici de comprendre au nom de quoi certains programmes sociaux, politiques ou économiques se saisissent de la science comme d’une garantie absolue. La question ne sera donc pas uniquement celle d’une bonne ou d’une mauvaise science.
Aussi, "Le Genre humain" publiera-t-il des textes de femmes et d’hommes de science conscients des implications sociales de leur métier. Des scientifiques qui se veulent également des êtres de mémoire. (...)
Maurice Olender, Extraits de l'ouverture du premier volume de la revue Le Genre humain consacré à La Science face au racisme (septembre 1981).
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