Les éditions du Seuil publient un ouvrage, Vincent Van Gogh, le Brouillard d'Arles, Carnet retrouvé, qui suscite aujourd'hui une polémique entre experts. Les réponses techniques sont apportées ci-dessous par l'auteur du livre, Madame Bogomila Welsh-Ovcharov, et, pour mettre un terme à cette polémique, nous proposons au Musée Van Gogh d’organiser conjointement, dans un délai raisonnable, un débat public entre experts. Ce sera aussi l’occasion de faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles le Musée Van Gogh prétend exercer, de fait, un monopole d’attribution.
Les spécialistes du peintre déploraient l’absence de carnets de croquis de cet artiste pour les périodes d’intense création où il séjourna à Arles et à Saint-Rémy-de-Provence. Cette lacune a été comblée par la découverte de soixante-cinq dessins attestés par l'expertise minutieuse, les recherches, l’étude érudite et scientifique de Madame Bogomila Welsh-Ovcharov, professeur émérite au département des beaux-arts de Toronto, historienne de l'art de renommée internationale, qui a été la commissaire d'expositions majeures, notamment au musée Van Gogh à Amsterdam, ainsi que de l'exposition inaugurale du musée d'Orsay "Van Gogh à Paris" en 1988. Elle est actuellement co-commissaire d'une grande exposition qui se tiendra en mars 2017 prochain à Orsay, "Mystical landscapes: masterpieces from Monet, Van Gogh and more". Madame Welsh-Ovcharov s'est assurée de l’expertise de bon nombre de spécialistes, parmi lesquels Ronald Pickvance, historien de l'art de renommée internationale, qui a, pendant soixante ans, travaillé sur la vie et l’œuvre de Van Gogh.
L’ouvrage, fondé sur cette exceptionnelle découverte, constitue une avancée décisive dans la connaissance de l'œuvre de Van Gogh.
Voici, point par point, les réponses que Madame Bogomila Welsh-Ovcharov souhaite apporter au communiqué diffusé par le Musée Van Gogh le 15 novembre 2016 :
"Le style caractéristique n'est pas manifeste"
L'iconographie et la qualité technique des dessins reflètent l'évolution de Van Gogh en tant que dessinateur. Le carnet de croquis de Van Gogh doit être considéré comme le témoignage de sa confrontation au travail sur le motif, entre le printemps de 1888 et le printemps de 1890. Les dessins de Van Gogh révèlent sa capacité à dessiner rapidement et à rechercher de nouveaux moyens d'expression personnelle en variant l’utilisation des calames et des pinceaux.
"L'encre brune n'est pas typique"
Une sélection de dessins issus de l’album Ginoux a été soumise à une analyse de la composition de l’encre brune utilisée. Elle a révélé que Van Gogh n’employait pas d’encre de campêche mais une autre encre à base de sépia. On sait qu'il était familier de divers types d’encres et les employait depuis ses premières années de création. Dans certaines lettres à Théo, de 1881 et 1883, il explique par exemple qu’il a utilisé un mélange de craie et d’encre sépia pour dessiner ou faire des lavis.
"Erreurs topographiques"
Les dessins du carnet croquis de Van Gogh confirment que l'artiste était parfois plus intéressé par la composition que par la structure architecturale réelle de ses motifs, comme cela peut être observé dans certains de ses tableaux. Par exemple, les deux dessins de l'asile de Saint-Rémy. D'autre part, certains de ses dessins montrent que Van Gogh s'est effectivement rendu à pied sur des lieux précis pour capturer une première idée d'un motif, qu'il a ensuite utilisé pour composer un tableau.
"La provenance du carnet de croquis soulève de nombreuses questions"
Le Musée s'appuie sur des informations reçues en 2007 et non sur les informations issues de la recherche archivistique telle qu’elle est détaillée dans le livre. Dans un petit carnet journalier du Café de la Gare, qui est arrivé jusqu'à nous, on lit que le 20 mai 1890 le Dr Félix Rey s'est rendu au Café à la demande de Van Gogh et a déposé à l’intention de M. et Mme Ginoux "un grand carnet de dessins". Ce document contemporain incontestable établit comment le carnet est parvenu au café de la Gare. La suite de l’histoire du carnet est fondée sur des documents historiques et des recherches archivistiques, y compris le témoignage de l'actuel possesseur dont la famille est liée au propriétaire qui a ouvert à l'été de 1930 le café au rez-de-chaussée de la Maison Jaune.
"Le bloc-notes semble peu fiable"
Le carnet du Café de la Gare a fait l'objet de recherches et s'est révélé être un document incontestable, contemporain de l'époque. Il comprend certains noms de personnes qui ont vécu et étaient connues à l'époque où Van Gogh résidait à Arles. Les noms ont été étudiés et confirmés par un expert, qui a établi une base de données des personnes habitant dans le quartier autour de la Maison Jaune du vivant de Van Gogh.
La page recto-verso du carnet en date du 19 juin a été conservée par mégarde par la famille et n’a donc pu être reproduite dans le livre. Elle est parfaitement distincte et différente de la page datée du 10 juin figurant dans l’ouvrage. Cette page non reproduite ne modifie en rien ni l’analyse ni ma conclusion.
Comme l'a déclaré Ronald Pickvance au New York Times le 15 novembre 2016, il est exclu que le livre ou les soixante-cinq dessins soient des faux. "Ils sont absolument O.K., du premier au soixante-cinquième," a-t-il dit. "Fin de la chanson, fin de l'histoire."
Paris, le 17 novembre 2016